Pour les sauvages:
le bac-colonie
Le but de cet article est de présenter une méthode souvent mise en oeuvre pour la conservation de long terme des Vivipares. Utilisée depuis longtemps par les spécialistes, elle a prouvé son efficacité dans la lutte contre la consanguinité et la perte de souche.
Ceci dit, elle n'a rien d'obligatoire et il est entendu qu'un Vivipare sauvage peut tout à fait vivre dans un bac communautaire présentant des caractérisitques compatibles avec ses exigences. La méthode du bac-colonie se justifie pleinement lorsque l'objectif est d'étudier le comportement ou encore de maintenir et développer la souche à horizon 5/10 ans.
Personnellement, j'applique cette méthode pour tous mes sauvages.
Un bac-colonie doit présenter une taille suffisante pour l'espèce considérée, à savoir que sa longueur doit être au moins 10 fois supérieure à la taille des poissons. Des indications vous sont fournies dans les fiches relatives aux espèces que je maintiens, n'hésitez pas à vous en inspirer.
La surface au sol d'un tel bac ainsi que sa hauteur dépendent des moeurs propres à chaque espèce
L'aquarium est aménagé spécifiquement pour la souche choisie: filtration, chauffage mais aussi éclairage sont qualibrés pour lui plaire. L'eau sera adaptée afin de rester dans les tolérances, il est inutile de tenter l'élevage en colonie d'un poisson tel que Micropoecilia picta si l'on ne fait pas l'effort de lui fournir l'eau douce et acide adéquate. On évitera les sophistications diverses, telles que l'injection de CO2 ou les eaux dures à pH baissé artificiellement par de la tourbe: ce genre de chose ne peut que nuire à l'élevage et reste un non-sens: une eau dure reste dure, même si son pH est ramené à 7 ou 6,5 à grand coup de bricolages divers. Au besoin, il faut investir dans un osmoseur.
Le décor sera aussi construit pour coller à l'agressivité éventuelle ou au besoin de nager.
Il est fréquent qu'un bac-colonie ne comporte pas de sable. Cela permet de faciliter les siphonnages, donc lutte efficacement contre la pollution et les maladies diverses. Néanmoins, certains bacs très réussis comportent une bonne épaisseur de sable. Il faudra alors penser régulièrement (1 fois tout les mois) à aspirer une partie du sable avec un tuyau, afin de le nettoyer à grande eau dans un seau. L'utilisation de sable très fin limite l'entretien, ainsi que l' introduction d'un ou plusieurs poissons de fond de type Corydoras.
Attention, car le bac-colonie ne doit pas se transformer par cet intermédiaire en un bac communautaire: les poissons choisis ne doivent pas souffrir des conditions proposées et surtout ne pas être nombreux ni diversifiés. Ils seront choisis sur un critère d'efficacité, et non pas de couleur. A titre d'exemple, un sujet de type Corydoras paleatus traite efficacement un bac de 100 L. On reportera alors notre entretien vers le nettoyage plus soutenu des filtres, lesquels ne doivent pas être laissés sales.
Les plantes sont souvent introduites dans des fonds de bouteille d'eau minérale. Ces pots improvisés sont à la fois résistants, totalement neutres et pratiques, en plus d'être peu chers. On mets en général quelques bouquets de végétaux demandant peu d'entretien. Peuvent s'y ajouter ou substituer des plantes accrochées sur le bois et les roches. Il est fortement conseillé ensuite de rajouter une bonne couverture de plantes flottantes, dans lesquelles les alevins trouveront refuge à la naissance. Parmi ces plantes, citons le Ceratophyllum, très robuste une fois acclimaté, les Najas, les Ceratoptéris.....
jeune Vallisneria en pot
Les Anubias; d'excellentes plantes pour bac-colonie et autre fish-room: fixées sur une roche, elles ne demandent ni fort éclairage ni engrais. En plus, la roche fait filtre biologique !
L'entretien d'un tel bac est capital. Il sera fait un changement d'eau régulier, certaines espèces très exigeantes demandant un, voire 2 renouvellements hebdomadaires, à raison de 30 % à chaque fois. Réfléchissez bien avant de les acquérir: on ne vous dit pas cela pour vous impressionner, c'est sérieux.
La plupart se contentent heureusement d'un changement par quinzaine, mais toujours important; 25 %, voire 50 %. Quelques unes sont solides et peuvent s'accomoder d'une périodicité mensuelle, à hauteur de 70% minimum. Cette solution est cependant déconseillée car elle a des conséquences sur les animaux et l'équilibre des bacs (perte de couleur ponctuelle, déformation, perte d'appetit, ralentissement de la croissance, croissance d'algues). Elle implique aussi l'utilisation d'une eau reposée ou traitée à l'anti-chlore, et à température adéquate.
Le changement d'eau est l'occasion d'un siphonnage soigneux.
Ensuite, on contrôle les filtres: ils ne doivent pas montrer de perte de débit, sinon, il faut nettoyer la masse mais aussi le rotor et les tubes. Les mousses sont contrôlées même si tout semble correct. Les entretiens de filtration peuvent se faire à tout moment, il ne faut pas attendre le changement d'eau.
Un pain de mousse bleue fine, découpé dans une grande plaque: économique à l'usage, pratique, durable et ultra-efficace. Ici dans une décantation en verre. Un grain fin oblige à des entretiens réguliers.
Des négligeances dans l'entretien sont la cause principale d'apparition de maladies chez les Vivipares tenus en colonie.
Le nettoyage des vitres est peu prenant, et il est exceptionnel qu'un bac-colonie rencontre un problème d'algues. En général, ces bacs sont très sains et leur esthétique peut être agréable pour peu qu'ils soient aménagés dans ce sens. Il faut juste être prudent durant les entretiens, afin de ne pas diffuser des germes (gare aux épuisettes et aux mains humides !).
Le peuplement d'un bac-colonie se limite ensuite à une seule espèce, associée éventuellement à des sujets "utiles". Quelques éleveurs protègent leurs diverses souches en introduisant dans un bac-colonie déja occupé un couple ou trio d'une autre espèce compatible. La pratique peut être positive car elle protège la souche d'une destruction totale en cas de maladie contagieuse ou de problème technique dans le bac principal. Il faut cependant être certain de ne pas causer une catastrophe. La quarantaine s'impose donc avant tout déplacement de poissons d'un bac à l'autre ou pire, du magasin vers chez vous. Je parle d'une vraie quarantaine, dans un vrai bac et pour au moins 30 jours concernant les achats extérieurs.
Le nombre de sujets présents dans votre colonie n'a rien à voir avec la règle du cm/L d'eau.
Introduisez votre souche, en général un couple, ou, beaucoup mieux, une demi-douzaine de sujet.
Attendez. Si tout va bien, vous devriez voir apparaitre des alevins, qui vont se développer.
Si rien ne se passe, isolez une femelle afin de recueillir quelques jeunes, que vous éleverez durant 2 à 5 semaines. Réintroduisez-les dans l'aquarium principal. Les adultes vont ainsi s'habituer à voir auprès d'eux des poissons bien plus petits. Cela diminue considérablement leur agressivité et permets "d'amorcer la pompe". Si après cela, vous n'avez toujours aucuns résultats, il convient de recommancer en introduisant des poissons plus jeunes. Ca marchera, il n'y a pas de raison d'échouer. Seules quelques rares espèce prédatrices ne peuvent pas s'accomoder de ce type de maintenance. Cela est précisé dans les fiches-poissons.
Votre colonie va ainsi se créer au gré des mises-bas. Chaque femelle verra quelques uns de ses petits survivre, puis s'accoupler avec d'autres survivants ou un des adultes anciens. Le groupe sera génétiquement assez hétérogène, et c'est cela qui est intéressant. Vous verrez vite que le nombre de sujets sera impressionnant. Dans un bac de 150 L pour Ameca splendens, j'ai ainsi noté environ 35 sujets.
Beaucoup d'éleveurs ne gardent qu'une dizaine de reproducteurs. Mais comme je suis une véritable angoissée de la perte de souche, j'ai tendance à ne rien diffuser si je n'ai pas 30 adultes et sub-adultes au moins. Conclusion: avec mes 35 bacs, je devrais nourrir à terme 1000 poissons, plus une dizaine de jeunes au moins par bac. Soit la bagatelle de 1400 sujets environ. Il faut vraiment que je me raisonne...mais ce n'est pas demain que cela arrivera, j'en ai peur.
Ce cliché montre mon bac à Ilyodon xantusi "Rio Terrero". Il fait 200 L brut et le poisson environ 8 cm. On est déja à 200 cm de poissons sur cette seule photo, et c'est juste une partie du bac....
Vous allez me dire, en bon aquariophile: mais si je ne fais rien, ils vont polluer l'eau et mourir ? Et bien non. C'est là qu'intervient l'auto-régulation. La colonie va se stabiliser seule, en fonction de l'espace disponible, de la nourriture (si vous sur-alimentez, vous faussez tout !) et de la pression exercée par les nombreux adultes. Lentement, les survies d'alevins vont devenir plus rares, puis presque nulles. C'est l'arrivée à maturité. Il faut alors retirer des poissons pour relancer la production.
Ceci dit, vous devez intervenir régulièrement tout de même. D'abord à la constitution: des alevins vont naître et grandir, après quelques mois, ils seront surement trop nombreux. A 2 cm, ils occupaient moins d'espace qu' 6 cm ! Qui plus est si l'espèce est territoriale, vous aurez alors l'occasion de diffuser vos premiers exemplaires. Ensuite, ce type d'intervention sera rare, et le plus souvent réservé aux espèces ne présentant aucune agressivité envers leurs petits. Ces espèces sont plus souvent sujettes à des troubles de l'auto-régulation.
Ensuite, vous devez faire la chasse aux poissons trop colorés, ou présentant des motifs non conformes. Ceci afin de ne pas dénaturer votre souche. Les cas les plus fréquents concernent les poissons devenant trop rouges. Il faut aussi veillez à supprimer les poissons montrant des déformations physiques. Aucun de ces sujets ne doit être reproduit, mais vous pouvez les garder dans un bac décoratif.
Ceci dit, ne sacrifiez pas d'office un alevin de Goodéidae parce qu'il présente dans ses premiers jours une nageoire caudale déformée: cela peut se corriger avec la croissance et le sujet arrive à maturité avec sa caudale parfaitement déployée. Je suppose que ces déformations sont liées à la promiscuité dans le ventre maternel. Mais cette attitude implique d'observer attentivement les poissons de façon régulière, afin de ne pas laisser se reproduire ceux qui seront restés malformés.
Une dernière précaution consiste à écarter de la reproduction les poissons sexés très jeunes, je parle là des Poeciliidae. Les sujets devenant mâles très tôt, notamment chez le genre Xiphophorus, sont en général trop petit à terme. Il ne faut pas les utiliser, sous peine de finir avec une souche de nains maigrichons.